Sterckeman
L’historique de cette marque de caravane française a été réalisé en majeure partie suite à la lecture du livre « La Belle histoire de Caravanes Sterckeman », rédigée par le fils du fondateur de la
L’historique de cette marque de caravane française a été réalisé en majeure partie suite à la lecture du livre « La Belle histoire de Caravanes Sterckeman », rédigée par le fils du fondateur de la marque en 2005.
Ce livre concerne la période 1945-1966 date à laquelle la marque est vendue par les propriétaires à un groupe plus important comme nombre de marques à la même période (Digue … ). Il s’agit alors d’avoir des capitaux plus importants pour continuer à innover et produire, tant cette activité apparaît comme aléatoire et saisonnière
Les origines :
L’histoire des caravanes Sterckeman débute à Seclin, dans le Nord de la France en 1945, ville qui compte alors 8000 habitants et se situe sur la N25 qui conduit à Paris. Alexandre Sterckeman, le fondateur est alors âgé de 25 ans et travaille dans la station-service Esso de ses parents. Il rêve de devenir constructeur de voiture et s’essaie d’ailleurs à un « bolide » qu’il revend à un Belge, se faisant alors un premier capital ; mais construire des voitures s’avère compliqué. Il se livre par ailleurs à une activité de carrossage de châssis de camions laissés par les Anglais ou américains lors du second conflit mondial pour des marchands ambulants de chaussures, d’alimentation.
Lorsqu’il était enfant, un oncle qui avait fait réaliser une caravane en bois par ses élèves dans un lycée technique l’avait emmené en vacances en Bretagne, lui laissant un souvenir inoubliable. L’idée de construire une caravane, alors appelée remorque, vient lorsqu’il voit des anglais « débarquer » à sa station service avec une caravane en 1945. L’Angleterre était alors très en avance dans ce domaine. Sa première caravane à peine terminée et qui devait servir aux vacances familiales sur la côte est achetée par un médecin de passage;
L’activité débute. De 1946 à 1950, « c’est l’activité carrosserie qui assure le pain quotidien ». Cinq caravanes sont construites dans un ancien hangar agricole de 400 m2 accolé à la station. Quatre compagnons sont employés en 1950.
Les spécificités :
Le châssis-carcasse métallique distingue alors ces caravanes alors qu’il est construit pour beaucoup d’autres marques en bois de frêne. La carcasse métallique sur châssis mono poutre est allégée de milliers de trous suite aux observations des carcasses d’avions anglais écrasées dans les champs durant la guerre. Ce type de structure est utilisé jusqu’en 1968.
Comme le précise son fils, les caravanes sont dès le départ de bonnes routières avec un aménagement assez frustre et qui tiennent bien la route.
Dès 1961, une suspension spécifique est adoptée. Un brevet est déposé pour une suspension à bras triangulaires transversaux, articulés par le centre dont la particularité était de s’appuyer deux ressorts longitudinaux à lames semi-elliptiques. Elle préservait la caisse des chaos routiers et rendant la traction plus agréable.
La même année, la marque adopte le freinage hydraulique, l’Hydracup, fabriqué en Allemagne par ATE, qui permet à la caravane de freiner en même temps que la voiture, sans décalage comme avec les freins à inertie. Ces spécificités techniques entraînaient un coût supérieur de ces caravanes par rapport à leurs concurrents de 20%.
Les freins à disque équipent aussi ces caravanes à partir de 1961-1962 au lieu des freins à tambour.
En 1964 est créée la « baie plein soleil », l’équivalent de la baie panoramique chez Digue. Depuis 1959, il existait une baie arrière plus deux petites baies d’angle. Désormais la baie en plexiglas moulé englobe toute la largeur du panneau arrière et revient latéralement de chaque côté, sur une hauteur de 60 cm comme un pare-brise de Cadillac.
Le premiers modèles sont en tôle électro-zinguée avec un profil dit « du millerais » ( fines ondes horizontales ) puis apparaît au milieu des années 60 des stries plus larges et moins profondes.
Dans le Caravaning spécial salon de 1959, les remarques du magazine sont les suivantes
Caravanes renommées pour leur tenue de route remarquablement stable, même dans les « erreurs de conduite et les cas difficiles ». Solidité générale à toute épreuve – Ameublement peut-être un peu « rustique » mais d’usage – ambiance très claire. Prix intéressants malgré le montage d’origine dans tous les modèles du freinage Loockeed, système hydrakup – conditions de roulage – sécurité imbattables.
Une fabrication artisanale dans les années 50…
Dans les années 50, la quasi-totalité des composants des caravanes sont construits par les constructeurs français et Sterckeman n’échappe pas à la règle : tambours, fers des châssis, vérins de stabilisation, réservoir d’eau potable en tôle galvanisée soudé à l’étain, meubles, peinture, tissus cousus par Madame Sterckeman sur sa machine Singer. Rappelons qu’en 1954, il faut 5 ans pour obtenir une 2CV Citroën….
Au début des années 60, Sterckeman produit 15 caravanes par jour, ce qui n’est pas tout à fait de l’artisanat comme le précise le rédacteur de l’ouvrage mais à cette époque, le constructeur produit encore 75% des ensembles et sous-ensembles composant les caravanes, 25 % étant sous-traités.
1963-1964 : Vers l’industrialisation
Le fils d’Alexandre fait embaucher au début des années 60 un ingénieur chargé de rationaliser la production et les coûts. En 1963, Sterckeman vend 2100 caravanes et occupe 11.43% du marché. L’entreprise emploie 120 personnes dont 15 employés de bureau et cadres. Jusqu’alors, selon Christian Sterckeman, l’amélioration de la productivité est venue d’une simplification des gestes. Des zones étaient jusqu’alors définies pour la production : châssis, panneautage, peinture, pose de meuble, finition. C’est une visite de l’usine Renault de Flins qui a accéléré la rationalisation de la production..
Au mois d’août 1963, alors que l’usine est fermée, l’atelier est remanié. Le sens de l’écoulement de la fabrication est inversé. Les roues sont maintenant posées en bout de chaîne. Les châssis avancent sur des châssis très bas permettant un déplacement aisé dans toutes les directions. La chaîne comporte 28 postes. Le temps de production baisse sensiblement et la capacité de production augmente de 25%.
Christian Sterckeman effectue des comparaisons avec les Anglais et notamment Sprite dont la chaîne n’était que de 10 postes et la peinture par exemple en bout de chaîne, alors qu’elle l’est en milieu de chaîne chez Sterckeman, ce qui n’est pas sans multiplier les risques de coups. Son fils précise qu’il était conscient que la marque devrait renoncer bientôt à la structure métallique, spécificité de la marque mais génératrice de surcoût et en décalage face à la construction concurrente.
Avec la nouvelle gamme Flash qui côtoya l’ancienne durant 3 ans, cette industrialisation s’affirme. Elle est dotée d’une suspension Frankel et non plus maison, tout comme les lanterneaux ou vérins de stabilisation produits pour de multiples constructeurs ou les meubles sous-traités dans une grande fabrique belge à Courtrai.
L’exportation :
Sterckeman pensa à exporter ses modèles mais les complications étaient réelles dans une Europe balbutiante où les formalités de douane notamment sont difficiles à imaginer pour les plus jeunes d’entre nous, habitués à la libre circulation des biens et des personnes. Il fallait souvent patienter deux heures à la frontière… Bénelux et Allemagne étaient les pays visés.
Celles-ci pouvaient entraîner des surcoûts importants. Ainsi dans les pays du Nord les clients préfèrent-ils des fenêtres plus basses de 20 cm pour permettre d’avoir une vision arrière depuis le véhicule. De même, le plan à deux dinettes est préféré sans cabinet de toilette, plébiscité lui par les Français. Il s’agissait de concevoir des plaquettes en langue étrangères, de traduire des slogans, pas toujours facile… de traduire pour les Anglais en pouces, esprit insulaire anglais…
Vers 1965-66 la marque n’exporte que 7% de sa production.
1966 : les 20 ans de la marque et la vente de l’entreprise familiale
Sterckeman fête ses 20 ans au salon de Paris de 1966. Une campagne de presse est parallèlement lancée dans la revue Caravaning, tout comme une soirée organisée pour les concessionnaires sur un bateau mouche.
Digue est cette année-là rachetée par un américain, début d’une longue suite de reprises jusqu’à la fin de la marque en 1989.
Fin 1965, Alexandre Sterckeman avait pris la décision de vendre la SA Sterckeman pour vivre une nouvelle vie, loin des aléas de la vie d’un entrepreneur : innovation, prévisions de vente, gestion des stocks, marges, recherche d’un équilibre financier…
Une première tentative avec le constructeur anglais CI Caravan’International, numéro 1 mondial hors USA est tentée. Ce constructeur produit à lui seul 18 000 caravanes par an et exporte 40% de sa production. Les contacts sont bons avec le patron Samuel Alperson. L’administration française qui venait de voir passer le dossier Digue entre ses mains refusa la cession complète de la marque à des Anglais mal vus du gouvernement pour limiter la vente à 50% des actions. L’affaire s’arrêta donc là. Les discussions avec André Trigano font long feu puis et c’est avec Francis Pollet, administrateur de la Redoute, entreprise de VPC à Roubaix qui ne souhaite lui aussi prendre que 50% des parts de l’entreprise.
La cession se fait finalement le 28 décembre 1966 avec Bertrand Faure qui rachète 75% des actions. C’est un important fabricant de sièges pour l’automobile en France et en Allemagne. Il possédait 6 usines en France et employait 2400 personnes. Souhaitant se diversifier, il avait réussi la fabrication des matelas Epéda. Il s’était aussi tourné vers la caravane et avait demandé à un ancien chef de fabrication de chez Digue de mettre au point une astucieuse caravane mi-dure mi toile qui fut un échec commercial. C’était pour lui l’occasion de bénéficier d’un savoir-faire et d’un bon réseau de concessionnaires.
A cette date, comme le précise Christian Sterckeman, ils ignoraient que le marché français se développerait encore de 180% durant les 13 années à venir.
La marque continua 12 ans sous la direction de Bertrand Faure avant d’être reprise par le Crédit Lyonnais puis de passer dans les mains de Trigano. La production est depuis 1987 basée à Tournon dans l’Ardèche, également lieu de construction des Caravelair.
Christian Sterckeman, le fils du fondateur, âgé de 29 ans, ne s’entendant pas avec le nouveau patron quitte l’entreprise en 1968 et devient concessionnaire de caravanes, camping-car et mobil-homes à Seclin. De nos jours, une partie des ateliers de Seclin est toujours utilisée par Techwood, une filiale du groupe Trigano qui est spécialisée dans la fabrication de meubles en kit pour équiper camping cars et caravanes. Ils sont principalement destinés à l’usine de Tournon-sur-Rhône en Ardèche.
Sources :
Christian Sterckeman, La belle histoire de « Caravanes Sterckeman , La Voix du Nord, 2005
La voix du Nord du 27 novembre 2009
Site du Sénat : http://www.senat.fr/questions/base/1987/qSEQ870606728.html
Informations de Philippe Dujardin