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L’Escargot

Les Etablissements Lemarié, « Caravanes l’escargot »   Article et photos : Daniel Hartmann   Georges Lemarié était carrossier. Installé à Mormant, en Seine et Marne, c’est à la demande d’un membre de sa famille qu’il construisit sa première

Les Etablissements Lemarié, « Caravanes l’escargot »

 

Article et photos : Daniel Hartmann

 

Georges Lemarié était carrossier. Installé à Mormant, en Seine et Marne, c’est à la demande d’un membre de sa famille qu’il construisit sa première caravane en 1936.

 

En bon carrossier, il avait le souci de l’esthétique, et l’époque était à la recherche d’une aérodynamique moderne. La puissance des voitures d’alors, et leurs trois vitesses, imposaient une traînée minimale. Aussi dès ses premières réalisations il opta pour des formes rondes et profilées. Avant très arrondi et arrière fuyant et pointu. Il ajouta même une petite surface verticale, à l’image d’une dérive d’avion, sensée probablement améliorer la stabilité de l’ensemble. Malgré ses formes arrondies, l’habitabilité n’était pas négligée, et la pointe arrière abritait un coffre de rangement pour l’auvent et son armature. L’ensemble évoquait la forme d’une coquille, un peu plus profilée que nature, mais dont l’habitabilité cadrait bien avec l’usage prévu.

 

Les Caravanes « l’Escargot » venaient de naître.

 

 

D’autre commandes devaient suivre, toutes construites à l’unité ou en très petite série, la dimension étant déterminée en fonction de la voiture tractrice et des besoins de l’acheteur. Leurs noms de type étaient « Biarritz » ou « Mont-d’Or », mais toutes avaient la même ligne générale, c’est à dire l’avant très arrondi et l’arrière aérodynamique, à l’image des voitures modernes de l’époque. Cette esthétique bien qu’elle évoluât au cours des années, devait être gardée jusqu’à l’immédiat après guerre.

 

 

Entre temps, la famille Lemarié était devenue utilisatrice de ses caravanes, ce qui se traduisait par l’acquisition d’une expérience qui ne cessa de se développer au fil des années, et de ses cinq enfants. Imprégnés d’un tempérament de campeur, et d’une soif de voyages, le constructeur, et son épouse, ont toujours veillé à rassembler dans un encombrement , et un poids minimum, un maximum de confort pratique.

 

Avec le retour de la paix, l’industrie automobile française proposa des voitures populaires dont la puissance s’échelonnait de 4 à 7cv.. C’est pour les propriétaires de ce type de tractrices que Georges Lemarié décida de construire ses nouveaux modèles de caravanes.

 

En 1948, les Ets. Lemarié migrèrent de Mormant vers Fontainebleau, et c’est dans ces nouvelles installations que naquit la « Mont-Blanc » pour 4cv.(2,80m x 1,70m ; 320kg à vide et 450kg de PTC.), et la « La Baule 280»( 2,80m.x 1,95m ; 330kg à vide et 550kg de PTC.) à partir de 6cv..La gamme devait s’étendre à la « La Baule 340 ( 3,40m x 2,00m et 550kg à vide ) et la «La Baule 400 »( 4,00m.x 2,00m et 650kg à vide) au fur et à mesure de la demande. La ligne des caravanes d’après guerre devint plus moderne, tout en restant très ronde. Cette rondeur était la même à l’avant et l’arrière. Elle aurait été tracée d’un seul coup de crayon par le constructeur. Mise en formule, elle sera respectée et reproduite sur toutes les caravanes, jusqu’à la dernière.

 

 

Tous les modèles de l’époque sont construits sur un châssis rigide à roues indépendantes, et ressorts à lames. Lorsque des freins sont nécessaires, ils sont à inertie. L’ossature est en frêne, et le revêtement extérieur en alliage d’aluminium. La luminosité et l’aération sont assurées par une série de lanterneaux, de part et d’autre d’un toit surélevé, sauf sur la « Mt.-Blanc ». L’isolation fait appel à de la laine de verre sous un capitonnage de toile vinyle lavable, dont le client avait un large choix de couleurs. Cette toile, prise en sandwich entre la structure et le revêtement extérieur, procurait à l’intérieur une sensation de confort capitonné que le boutonnage accentuait encore, l’essence des bois, en général clairs, ajoutait à l’impression de luminosité. L’assortiment des tons et des couleurs, ainsi que des coussins et rideaux, était proposé par Mme Lemarié et inspira un client Suisse, qui baptisa sa caravane; la « Bonbonnière »..

 

L’aspect « cosy » ainsi obtenu ne sacrifiait rien à l’esprit «campeur-caravanier », car il restait d’un entretien très facile. L’équipement pratique et fonctionnel était très complet.

 

Le camping se pratiquant librement à l’époque, l’installation se devait d’être autonome. Donc la bouteille de gaz assurait l’éclairage, le chauffage(en option), et la cuisine. Le réservoir d’eau était conséquent mais il n’y avait pas de pompe électrique, source de gaspillage d’eau, et de fréquentes corvées de « flotte ».

 

La clientèle avait soif de voyages et parcourait toute l’Europe. Son esprit « Globe-Trotter » la poussait même à en franchir les frontières vers la Turquie ou le Maroc.

 

Vers le milieu des années 50, Georges Lemarié décida de construire une caravane entièrement métallique, avec un système d’aération très innovant, par toit soulevable auquel il pensait depuis un certain temps.

 

Observant l’amélioration de la situation des Français, et la progression de la puissance moyenne de leur voiture, il opta pour une caravane tractable à partir de 7cv.. Il choisit donc une longueur de 3,30m sur 2,00m. avec un poids à vide de 490kg, et un P.T.C. de 650kgs.
La disposition intérieure changeait totalement, et la vision vers l’extérieur s’organisait à travers une grande baie latérale de 1,90m, devant laquelle se tenait le coin repas transformable en une 3ème couchette. A l’avant était la cuisine et à l’arrière un lit 2 places. Le décor intérieur conservait l’aspect capitonné. La ventilation était assurée par la possibilité de soulever le toit, à l’avant et à l’arrière, indépendamment ou simultanément, et d’une valeur de 0 à 10cm environ. Lorsque le toit était soulevé au maximum, les occupants de la caravane jouissaient d’une vision quasiment panoramique autour d’elle, situation bien pratique pour éventuellement surveiller les activités des jeunes enfants lorsque l’on est occupé à l’intérieur. La manœuvre s’effectuait facilement grâce à une commande très pratique à chaque extrémité du toit. Ce système devait s’avérer très efficace, devenant par la suite, la caractéristique de la marque. Le châssis, la suspension et les freins à inertie, descendaient en droite ligne de la série des « La Baule ». Par contre, cette caravane présenta pour la première fois, un équipement très pratique qui devait se retrouver sur toutes celles qui allaient suivre ; des volets intérieurs escamotables sous chaque ouverture.

 

Cette caravane commercialisée à partir de 1955, s’appellera « French-Cancan », en référence à son toit soulevable ! Ce fut un grand succès, et le modèle remplaça rapidement les types « La Baule » à structure frêne et lanterneaux. Le toit soulevable, si innovant, fut vite adopté par la clientèle qui fut séduite par la ventilation qu’il procurait, en particulier sur la cuisine, située en bout de caravane, mais aussi au dessus du lit, à l’autre extrémité.

 

 

Fort du succès de sa nouvelle caravane, Georges Lemarié décida d’étendre ce nouveau concept, au reste de sa gamme, à commencer par le modèle destiné aux petites voitures. Celles-ci avaient aussi progressé, et la plus populaire d’entre elles était la Dauphine (5cv.). En 1957, Georges Lemarié conçut donc pour elle un modèle tout métallique, à toit soulevable, qu’il baptisa : « Dauphiné ». Ses dimensions seront : 2,80 par 1,80 et son poids à vide de 390kg , PTC : 550kg. C’est sur la Dauphiné qu’il expérimenta le châssis tubulaire et le plancher surbaissé, mais aussi les panneaux latéraux galbés. L’aménagement intérieur présentait une astuce intéressante qui, grâce au déploiement du réchaud à l’extérieur du bloc cuisine, préservait, au dessus de celui-ci, un appréciable plan de travail. La très large baie derrière laquelle se trouvait le coin-repas, offrait une vue panoramique exceptionnelle.

 

Cette grande baie latérale, inaugurée sur la French-cancan, présentait certains avantages sur les baies arrières ouvrantes proposées en option sur la série des La Baule. En effet, quelle soit ouverte ou fermée, cette grande glace de « Sécurit », procurait la même vue sur le panorama extérieur.

 

Au fil des ans, la peinture extérieure des caravanes de la série « la Baule », s’était standardisée sur un ton « Ivoire », ce fut aussi la couleur des « French-Cancan ». Les caravanes qui allaient suivre adopteront une nouvelle robe plus gaie, avec la coque d’un « Blanc légèrement cassé » et un toit de couleur au choix du client. La flèche et le soubassement étant « Gris Tourterelle ». C’est la « Dauphiné » qui inaugurera ce nouveau look.

 

 

L’amélioration constante du pouvoir d’achat des Français dont la puissance des véhicules était le reflet, amena le constructeur à proposer une 4,00m par 2,10, d’un poids à vide de 740kg, destinée aux voitures moyennes supérieures. Sur cette nouvelle caravane, il reprit le principe du plancher surbaissé. Cela voulait dire moins de traînée aérodynamique, et un centre de gravité plus bas, au bénéfice d’une meilleure tenue de route. Le châssis était en tubes rectangulaires, et ceinturait entièrement la caravane, passant à l’extérieur des roues. Les deux longerons longitudinaux étaient inclinés vers l’extérieur, amorçant ainsi les panneaux latéraux galbés de la caravane. La suspension à roues indépendantes, était assurée par des blocs caoutchouc de type « Evidgum ». déjà expérimentés sur la Dauphiné, completé par des amortisseures teléscopiques. Le freinage hydraulique était du type « Hydracup ».

 

Autre préoccupation de nos « campeurs-caravaniers-constructeurs », la séparation de nuit des parents et des enfants. Cela s’est concrétisé par un système de cloisons incluses dans la porte du cabinet de toilette, qui en position nuit, agrandissait sensiblement cette partie de la caravane, séparant en même temps les deux chambres. Chacun des occupants des chambres ayant libre accès aux toilettes qui, possédant une porte extérieure, permettait aux parents de rejoindre leur chambre, sans transiter par celle des enfants au risque de les réveiller. Cette seconde porte permettait également de jour, l’accès à un robinet ou une glace, voir à la pharmacie, directement de l’extérieur.

 

L’équipement intérieur était très complet, il y avait, entre autres, trois moyens de s’éclairer ; le branchement voiture, le branchement secteur, et l’éclairage au gaz qui assurait l’autonomie de la caravane. Le frigo, le chauffage, les WC. chimiques, le bidet, étaient de série mais les pompes à eau étaient mécaniques, suivant l’esprit campeur du concepteur. Cependant la pompe électrique figurait dans les options proposées. La décoration intérieure restait fidèle au capitonnage lavable dont une large palette de couleurs était proposée aux clients, de même que les choix du revêtement de sol et des coussins. Les placages bois des stratifiés offraient également des essences très variées. Comme sur tous les modèles, cette harmonie de couleurs et de tons s’établissait au moment de la commande, entre les clientes et madame Lemarié, ce qui prenait en général « un certain temps » !

 

Appelée « Folie-Bergère » et d’un P.T.C. de 950kgs, cette caravane fut présentée au Salon de l’Auto de 1958, et livrée à partir de la saison 59. Elle deviendra le cheval de bataille de la marque, et sera produite jusqu’à la fermeture de l’entreprise. A partir de 1963 elle recevra des freins à disques, expérimentés sur la « Bagatelle » qui suivra.

 

 

Pour avoir une gamme homogène, le constructeur reprit la « French-Cancan » afin de la faire profiter des innovations apportées aux autres modèles de la marque, c’est à dire le châssis tubulaire, le plancher surbaissé, et les flancs galbés. Ce sera la « Bagatelle » qui sortira en 1962, tractable à partir de 6cv.

 

Bien que d’un poids, et de dimensions modestes (3,30 x 2, 00), cette caravane sera équipée d’un système « Hydracup » en série car les freins seront à disques. Cette solution a été choisie pour la tenue à l’échauffement de ce type de freins, ce qui présente un avantage certain en montagne, lorsque l’attelage descend d’un grand col, en plein été par exemple. Le système « Hydracup » lui, bien réglé, permet à la caravane de freiner en même temps que la voiture, et de ce fait, d’améliorer la tenue de route de l’ensemble, particulièrement en courbe.

 

La stabilité au campement de la « Bagatelle » ne sera assurée qu’en trois points, deux vérins à l’arrière et la roue jockey à l’avant, comme sur la « Dauphiné ». Cette disposition, applicable à une caravane de petite dimension, permet d’éviter tout effort de torsion sur la coque.

 

L’équipement intérieur est très complet, comme il est de règle sur la marque depuis quelques années ; éclairage au gaz, frigo, chauffage, WC chimiques,(mais toujours pas de pompe électrique, esprit campeur oblige). La décoration intérieure reste fidèle au capitonnage lavable aux tons choisis par le client (ou plutôt la cliente), le tout assorti aux meubles, coussins et rideaux, guidée en cela par le goût très sûr de Mme Lemarié.

 

L’intimité du couple sera obtenu, comme sur la « Folie-Bergère », par un système de paravent très ingénieux, mais compte tenu des petites dimensions de la caravane, le cabinet de toilette restera le privilège des parents.

 

 

Toujours fidèle à son esprit « campeur-caravanier », qui supposait un attelage très mobile, donc non surchargé, tracté par des voitures de série, Georges Lemarié ne construisit jamais de caravanes de plus de 4,00m de long, de 1050kgs de PTC, et d’une capacité de couchage de cinq personnes.

 

Bien que faites pour des campeurs, avec des équipements très complets, des astuces nombreuses, des qualités routières reconnues, les « Caravanes l’Escargot », dont le constructeur n’oublia jamais qu’il était carrossier, présentaient une esthétique remarquable.

 

 

De 1935 à 1970, la pratique du Caravaning devait subir une forte évolution qui mena cette activité vers des chemins que Georges Lemarié ne voulait pas suivre.

Le Caravaning s’éloigna progressivement du Camping. Victime de son développement, il généra des réglementations restrictives qui favorisèrent la création et le développement de terrains de camping, contraire à l’esprit de liberté auquel s’accrochaient les campeurs. Les premiers terrains proposés étaient cependant réalisés avec un manifeste amour de la nature, et beaucoup de caravaniers franchirent le pas. Mais, les années passant, se développa une industrie de la caravane économique et spacieuse, qui permit à nombre de français, de passer des vacances statiques dans un bel endroit de notre beau pays, ou chez nos voisins. Ce n’était donc plus du caravaning itinérant, et la qualité routière de l’ensemble passait au second plan, ce qui importait, c’était la surface habitable. Les caravanes devinrent plus grandes, les emplacements qui leur sont réservés, plus petits, sur des terrains de camping obligatoires. Elles se transformèrent souvent en résidences secondaires. A la fin du siècle elles disparaissent progressivement au profit des « Bungalow ».

L’esprit « Globe-trotter » s’est converti au Camping-Car, qui a progressivement pris une place très importante. Si la caravane a toujours ses adeptes chez les amateurs de voyages, elle s’est fait distancer par ce nouveau type d’habitat, qui offre une plus grande facilité à stationner librement, du fait de son assimilation à un véhicule. Mais, bien qu’elles soient souvent obligées de fréquenter les terrains de camping, les caravanes gardent l’immense avantage de libérer la voiture pour tous les déplacements, qu’ils soient d’ordre pratique, ou touristique.

Donc « Vive la Caravane » !

contactrccf@laposte.net

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